Droits fondamentaux vs collaboration européenne

Courrier pour la Ligue des droits de l’Homme

Pour la LDH,
QUAND UNE LOI FASCISTE FAIT SON ENTRÉE TRIOMPHALE DANS LE DROIT EUROPÉEN
ou l’affaire VINCENZO VECCHI

Depuis la décision que vient de rendre la Cour de Justice européenne (CJUE) le 14 juillet 2022, une réelle menace pèse plus que jamais sur le droit de tout un chacun de manifester librement.

Manifestants de toutes causes, demain en Europe, en France, sachez que vous pouvez encourir une lourde peine d’emprisonnement juste pour avoir manifester. Très mauvais signal pour les luttes environnementales, sociales, sociétales.

En effet, par cet arrêt, la CJUE valide la possibilité pour un État européen de punir la simple participation à une manifestation, dès lors qu’ont été causées autour des dégradations. Le manifestant étant, d’emblée, considéré complice et donc coupable, par sa seule présence, sans même qu’il les ait commis lui-même.

C’est toute la philosophie de ce crime créé par Mussolini, de « dévastation et pillage » qui repose sur le « concours moral ». Or, ce crime italien créé en 1930, d’un autre temps, ressorti des « oubliettes » en 2004 pour sévir contre les manifestants du contre-sommet de Gênes en 2001, vient d’envahir l’espace de droit européen.

Il s’y applique désormais.

La CJUE a interprété les textes européens, selon la demande faite par la Cour de Cassation française, en édictant que « dévastation et pillage » (puni en Italie de 8 à 15 années de réclusion) pouvait être assimilable au simple délit français de vol avec dégradation. Elle enjoint la France d’accepter l’exécution du mandat d’arrêt européen visant Vincenzo Vecchi, et conclut de le remettre à l’Italie pour exécuter la peine de 12 ans et demi, à laquelle il a été condamné pour des faits de participation à cette manifestation.

Par son interprétation faussée, déformante des textes européens, la CJUE viole la condition de double incrimination, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de remise possible par le mandat d’arrêt européen s’il n’y a pas d’équivalence entre les infractions punies dans l’État qui réclame la personne recherchée, et l’État qui la livre, puisqu’il n’y a plus d’exigence de double discrimination dans le pays qui a prononcé la peine et dans celui qui est saisi pour exécuter la décision.

C’était le cas en l’occurrence, « dévastation et pillage » n’avait pas d’équivalent dans notre droit français en 2001, et un délit n’est pas un crime.

En plus, certains des 7 faits constituant à l’égard de Vincenzo Vecchi cette infraction ont été reconnus par les juridictions françaises, par la Cour d’Appel d’Angers, puis par la Cour de cassation elle-même, comme ne pouvant lui être reprochés pour 2 faits. « Dévastation et pillage » n’aurait donc pas pu permettre de le condamner en France. Cette juridiction a estimé qu’il ne pouvait être complice sans avoir participé matériellement à 2 des faits jugés en Italie.

Il faut rappeler que dans le contexte de violences policières des manifestations du contre-sommet du G8 à Gênes, Vincenzo Vecchi n’a blessé ni agressé personne. Seuls des délits matériels lui étaient reprochés, y compris ceux commis par d’autres autour de lui dans la manifestation.

Ce faisant, la CJUE admet qu’une loi fasciste s’applique maintenant dans l’espace de droit européen !

La CJUE s’est refusé aussi à appliquer le principe de proportionnalité, pourtant supérieur, pourtant inscrit à l’article 49 de la Charte des Droits Fondamentaux du citoyen européen.

En effet, à la question posée par la Cour de cassation française à la CJUE, de la proportionnalité de la peine de 10 ans prononcée pour 7 faits sur 7, alors que seuls 5 sur 7 auraient pu être réprimés en France ; la Cour de Justice Européenne, a considéré qu’il ne revenait pas à la France d’apprécier cette proportionnalité ! Alors à quoi sert l’article 49 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’union européenne, qui édicte un principe supérieur, si un État est empêché de l’appliquer à un citoyen européen objet d’un mandat d’arrêt européen, alors qu’il constate qu’il y a une disproportion entre les faits et la peine ?

Le piège se referme sur ce manifestant, lequel réfugié en France depuis 11 ans, parfaitement intégré, apprécié de tous, qui a un travail en CDI, une compagne, un logement, risque l’incarcération pour une peine démesurée pour cette participation à une manifestation qui remonte… au 20 juillet 2001… c’est-à-dire à 21 ans en arrière !

Sous prétexte d’efficacité de l’outil juridique du mandat d’arrêt européen, la CJUE conseille à l’autorité judiciaire française d’appliquer cette loi fasciste, sans se poser de questions, et par là, de réprimer des faits que cette autorité judiciaire estime que la personne recherchée n’a pas commis !

À quand l’exécution d’un mandat d’arrêt européen à l’encontre d’une citoyenne polonaise réfugiée en France après avoir avorté dans son pays ? La France sera obligée de la livrer à la Pologne pour exécuter une lourde peine ?

Très bientôt ? Cet arrêt dans l’affaire Vincenzo Vecchi, va dans ce sens.

Comble du danger qui pèse maintenant sur Vincenzo Vecchi, l’arrêt de la CJUE, en raison des textes européens, oblige la Cour de cassation française à appliquer cette interprétation, alors que celle décision bafoue lois et principes du droit français (inexistence dans notre droit de la complicité passive, présomption d’innocence) et ceux du droit européen (principe de proportionnalité).

12 ans et demi, en France, c’est la peine prononcée par une Cour d’Assises pour assassinat, actes de terrorisme, trafic de stupéfiants, viol avec circonstances aggravantes… C’est une peine de nature et d’ampleur criminelle pour des faits matériels commis aussi par d’autres que la personne recherchée, qui brise sa vie privée et familiale et son insertion professionnelle en France.

Pour rappel, le droit de manifester est inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Il est aussi garanti implicitement par l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Cette décision conduit à ce que, via le mandat d’arrêt européen, les États qui composent l’Europe, soient amenés à ne pas pouvoir respecter leurs propres lois, ni les principes de droit européen.

De démocratique, et républicain, l’État européen par l’exécution du MAE va-t-il accepter d’être obligé d’appliquer des lois liberticides issues d’un État autoritaire, en contradiction avec ses institutions et principes ? Telle est malheureusement le sens de cette décision.

Alors que l’Europe a créé le mandat d’arrêt européen, dans un espace de droit intitulé dans la loi « de liberté » pour combattre terrorisme et grand banditisme, l’instrument juridique est finalement détourné contre les manifestants, et demain, contre les droits et libertés de toutes sortes.

Par cet arrêt de la CJUE, l’injustice a gagné une bataille… Et l’Europe perdu une chance de respecter ses libertés fondamentales.

Comme on le voit, cette décision rendue par la cour de justice entraîne des résultats iniques et extrêmement dangereux par rapport à nos principes fondamentaux.

Compte tenu de l’extrême gravité de ce rendu d’avis de la CJUE, le Comité de Soutien vous prie de bien vouloir intervenir officiellement sur ce sujet en vous adressant aux plus hautes instances (Président de la République, Gouvernement Français, Garde des Sceaux, Parlement Européen),

Ainsi qu’auprès de toute instance politique ou de justice qu’il vous apparaîtra opportun d’interpeller sur le sujet, afin d’intercéder en faveur de la non-exécution du mandat d’arrêt européen visant Vincenzo Vecchi afin qu’il ne soit pas remis à l’Italie, et puisse se maintenir en France, conformément à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne qui édicte que le citoyen européen a droit au respect de sa vie privée et familiale.

En vous priant de croire à l’assurance de nos meilleurs sentiments.

Le Comité de Soutien de Vincenzo Vecchi
Rochefort en Terre.

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17/08/2022 12:17 62 Ko