À qui le tour ?

Le Jeudi 8 août 2019, nous apprenions que notre ami, collègue, voisin Vincenzo Vecchi était arrêté à Rochefort-en-Terre dans le Morbihan. Au-delà de la stupéfaction première, nous nous sommes très vite organisés pour constituer le comité de soutien et savoir de quoi il en retournait exactement. Nous apprîmes que deux mandats d’arrêt européen (MAE) lui étaient apposés. Le premier concerne sa participation aux manifestations anti-sommet du G8 à Gênes en 2001 ; le second concerne une manifestation anti-fasciste à Milan en 2006. Pour ce dernier mandat, nous savons aujourd’hui que la justice italienne a monté un dossier bidon dès lors qu’elle ne pouvait ignorer que la peine avait déjà été exécutée marquant ainsi sa déloyauté vis-à-vis de la procédure du MAE et de la justice française. Ce mandat ne pouvant être émis est donc caduc mais il reste celui de Gênes. Les avocats de la défense, Maîtres Glon, Tessier et Hasselin, ont démontré lors de leur plaidoirie à l’audience du 24 Octobre que le MAE de Gênes n’était pas recevable puisqu’il recèle de nombreuses irrégularités.

Auparavant, chacun d’entre nous avait recherché ce qui s’était passé lors de ces journées du 19 au 21 Juillet 2001 à Gênes. Puis, un petit groupe s’est constitué pour collecter un grand nombre d’informations et de documents sur ce sujet qu’il a présenté dans un info kiosque que chacun peut consulter.

Il s’avère que Gênes 2001 a été le théâtre d’une répression policière programmée et structurée sans pareille, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, suivi d’un procès pour le moins inéquitable. Nos conclusions tirées de témoignages et analyses s’appuient sur des documents sonores (comme pour le procès des carabiniers), des vidéos… et aussi des rapports effectués par des instances internationales, reconnues pour leur sérieux, comme la Cour européenne des Droits de l’Homme, Amnisty International…

Nous pouvons, aujourd’hui, affirmer avec certitude que l’ État italien a planifié une stratégie de la violence et de la répression des manifestants qui a été, entre autres, jusqu’à la mort de Carlo Giuliani et la pratique de la torture et autres actes de barbaries sur une centaine de manifestants dans la caserne de Bolzaneto pendant plusieurs jours.

L’État italien s’est aussi rendu coupable du déni de justice la plus élémentaire que sont la protection de nos droits individuels et notre droit à la liberté de manifester. La justice italienne a mis en place un arsenal juridique basé sur une loi votée sous l’ère mussolinienne et réactivée pour l’occasion, le fameux code Rocco. Une manœuvre destinée à criminaliser les manifestants par le simple concours moral (sanctions collectives au détriment de libertés individuelles sans preuve établie) et le chef d’inculpation « pillage et dévastation » (peines lourdes pour des faits mineurs).

Avec cet arsenal, la justice italienne a appliqué deux poids, deux mesures si l’on compare les peines encourues par les forces de l’Ordre et celles qu’ont reçus les manifestants, les dix de Gênes tirés de milliers d’insurgé. Plus de 100 ans de peines cumulées pour les « Dix de Gênes » versus des peines non exécutées pour les auteurs des violences policières, couronnées par une amnistie générale, avec à la clef des promotions pour certains. Sans compter le refus aux avocats de la défense d’avoir accès au dossier complet, la falsification de preuves (des carabiniers ont déposé eux-mêmes les cocktails Molotov lors de l’attaque de l’école Diaz) et nous en passons bien d’autres…

La version des médias déjà tout acquis aux pouvoirs de Berlusconi nous a servi un écran de fumée autour des Black Blocks qui aurait été la cause de tous les maux. Une centaine de manifestants qu’une armée entière de policiers et de militaires n’auraient su en prendre le contrôle ? Cette violence d’ État aux relents fascistes s’exprime encore aujourd’hui en désignant Vincenzo Vecchi comme le bouc émissaire et qu’à titre d’exemple, elle devait le traquer pour appliquer toute sa vengeance implacable. À tel point que le courrier vers son ex-compagne italienne est caviardé par la censure et que le courrier à sa fille ne lui est jamais parvenu !

Dans cette perspective d’éclairer ces évènements, nous vous présentons une série de 11 témoignages accompagnés d’une analyse qui tournent autour des thèmes suivants :

  • La planification de la répression de Gênes,
  • La torture, les actes de barbarie et la stratégie de la terreur,
  • L’iniquité du procès dont furent victimes les inculpés de Gênes,
  • La violence d’ État aux relents fascistes,
  • Le traumatisme et les blessures indélébiles que cette répression a porté.

Chaque épisode sera ponctué par le décompte des jours jusqu’au rendu de justice, délivré le 15 Novembre à la cour d’Appel de Rennes, qui doit statuer sur le MAE de Gênes.

Au-delà du cas singulier de Vincenzo Vecchi, nous ne pouvons que nous interroger sur la répression policière et l’arsenal juridique que les États européens, pour ne pas parler que d’eux, sont en train de mettre en place pour criminaliser les manifestants. Cette panoplie de mesures comme le concours moral doit nous interroger. À qui le tour ?

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