À qui le tour J-11 ? Traumatiser pour mieux régner [2/2]

MATTIA : « Les journaux et les médias de masse ont préparé Gênes avec une grande alarme sociale. On comprenait déjà qu’il allait se passer quelque chose de fort. Mais personne ne pouvait imaginer ce qui allait se passer du point de vue répressif, comme ce qui est arrivé à l’école DIAZ ou à la caserne de BOLZANETO. Ces choses-là ne pouvaient pas être encore imaginables- les tortures délibérées etc.

Mais avec la répression qui a suivi, les accusations de dévastation et saccage, les tortures etc., on a créé cet ennemi, le BLACK BLOC. Malheureusement, ce mouvement qui s’est exprimé à Gênes était un mouvement très ingénu, notamment parce que l’Italie allait changer de gouvernement. On se préparait à l’arrivée d’un gouvernement de centre gauche, etc. Il y avait le slogan « Un autre monde est possible », mais personne ne disait comment on pouvait créer cet autre monde. Alors après Gênes, il y a eu une très forte dissociation… une très forte volonté de se remettre en rang et de prendre des distances, pas seulement vis-à-vis des black blocs, mais vis-à-vis du discours sur la violence.

… Pour élargir un peu, on peut dire que Gênes a été tout de suite vu comme un état d’exception, une suspension de la norme de la légalité pendant quelques jours. Et ce qu’on avait peut-être pas compris à l’époque, c’est que cette suspension, cette exception n’allaient pas se limiter à ces jours-là, mais que ça allait ensuite devenir l‘ordinaire. Toute une série de choses très particulières qu’on voyait comme des choses exceptionnelles à Gênes, on les a retrouvées toujours plus nombreuses les années qui ont suivi : lacrymogène CS, zones rouges, construction de l’ennemi « black bloc », utilisation de certains délits pour condamner les manifestants… Toute une série d’innovations quand on avait alors perçu comme des faits exceptionnels liés à un évènement historique précis n’étaient en réalité pas des exceptions, mais le commencement d’un ordre nouveau, d’un nouveau moyen de gérer l’ordre public. Ça a inauguré une nouvelle phase, qu’on peut évidemment clairement lier aux changements qu’il y a eu au plan international avec le 11 septembre ».


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Dans la perspective d’éclairer les évènements de Gênes 2001, nous vous présentons une série de 11 témoignages accompagnés d’une analyse qui tournent autour des thèmes suivants :

  • La planification de la répression de Gênes,
  • La torture, les actes de barbarie et la stratégie de la terreur,
  • L’iniquité du procès dont furent victimes les inculpés de Gênes,
  • La violence d’ État aux relents fascistes,
  • Le traumatisme et les blessures indélébiles que cette répression a porté.

Chaque épisode sera ponctué par le décompte des jours jusqu’au rendu de justice, délivré le 15 Novembre à la cour d’Appel de Rennes, qui doit statuer sur le MAE de Gênes.

Au-delà du cas singulier de Vincenzo Vecchi, nous ne pouvons que nous interroger sur la répression policière et l’arsenal juridique que les États européens, pour ne pas parler que d’eux, sont en train de mettre en place pour criminaliser les manifestants. Cette panoplie de mesures comme le concours moral doit nous interroger. À qui le tour ?

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