Le délit de « dévastation et saccage »

Article 419 du code pénal italien : « Quiconque commet, en dehors des cas prévus à l’article 285, des faits de dévastation et saccage est puni d’une réclusion de huit à quinze ans. La peine est augmentée si le fait est commis sur des armes, des munitions ou de la nourriture existant dans un lieu de vente ou de dépôt. »

A noter, le délit de dévastation et saccage a été introduit dans l’ordre juridique italien avec le décret royal 1.938 du 19 octobre 1930 et est entré en vigueur le 1er Juillet 1931. Ce décret royal est resté dans l’histoire sous l’appellation de « code Rocco », du nom du ministre de la Justice de l’époque, Alfredo Rocco.

A voir les dates, il est clair que le code construit la structure pénale du régime autoritaire fasciste. Mussolini est au pouvoir depuis 1922 et, en 1930, la dictature est pleinement consolidée.

A noter que, même si le fascisme est tombé en Italie en 1943, de nombreux éléments du code Rocco ont survécu à la dictature jusqu’à nos jours.

Par ailleurs, voici ce que dit l’article 285 auquel la première ligne de l’article 419 fait référence : « Quiconque commet, dans le but d’attenter à la sûreté de l’Etat, un fait destiné à causer dévastation, saccage ou massacre sur le territoire de l’Etat ou l’une de ses parties est puni par la perpétuité. » Remarquons que, à l’origine, la peine prévue initialement était la mort. On lui a substitué la perpétuité quand la peine capitale a été abrogée, en 1947.

Après la chute du fascisme, le recours à cet article a été très rare et il a fini par tomber dans l’oubli, même durant la tourmente des années 70. L’une des rares occasions pendant laquelle on s’y est encore référé, c’est lors des révoltes dans les prisons italiennes entre la fin des années 60 et le début des années 80.

On n’entend donc plus parler de ce délit jusqu’en 1998, quand le bureau du procureur de Turin le remet au goût du jour à propos des enquêtes sur le cortège national des centres sociaux du 4 avril 1998. Le nouveau palais de justice de la ville, encore en construction, avait alors été lourdement endommagé.

A partir de ce moment, l’utilisation de l’article 419 a démesurément augmenté : du G8 de Gênes aux affrontements de la piazza San Giovanni à Rome en 2011, en passant par le 11 mars 2006 à Milan. Si l’on ajoute à cela l’épée de Damoclès de la « complicité morale », pour lequel la simple présence sur les lieux peut valoir condamnation à des années de prison, le délit de dévastation et saccage semble être devenu avant tout un remarquable instrument de répression.