Vincent Bonnecase – France

J’ai écrit le texte qui suit en août 2001, juste après le G8 de Gênes. Je voulais alors ce récit purement factuel, dénué d’éléments qui puissent véhiculer des sentiments personnels ou des partis-pris idéologiques….

C’était le vendredi 20 juillet 2001, il devait être à peu près quinze heures. J’étais sur la Piazza Manin avec les manifestants qui, comme moi, participaient à la « Pink March », marche pacifique. Quelques dizaines de militants, vraisemblablement des « Black Blocs », sont alors arrivés sur la place, marchant au pas en forme de défilé. Chacun s’est écarté pour les laisser passer. Plusieurs minutes après, j’ai entendu des cris, senti les gaz lacrymogènes, tout le monde s’est mis à courir. C’était la police (j’emploierai les termes de « police » et de « policier » à titre générique, faute de pouvoir précisément définir à quel corps appartiennent les forces de l’ordre qui interviennent dans mon histoire) qui chargeait. Les manifestants de la « Pink March » se sont retrouvés totalement dispersés. Je me suis retrouvé avec une quinzaine d’amis dans une ruelle, cherchant à fuir ce que l’on supposait être un lieu d’affrontement entre police et « Black Blocs ». Un groupe d’une vingtaine de policiers casqués et armés de matraques est arrivé dans la ruelle. Ne sachant pas où aller, on a levé les bras en l’air et on s’est tous assis en signe de non-violence. Les policiers ont couru jusqu’à nous et, sans sommation, sans rien nous dire, se sont mis à nous matraquer. J’entendais des cris, « stop », « arrêtez », mais les coups continuaient. Au bout de quelques minutes, comme j’étais à une extrémité du groupe, ils m’en ont extrait, m’ont jeté dans un coin à deux ou trois mètres et, là, se sont acharnés sur moi. Ils étaient peut-être quatre ou cinq, ils me donnaient des coups de pieds, des coups de matraques, visant d’abord la tête mais aussi le corps et les membres. Profitant d’un moment de répit, je me suis levé tout titubant en disant « calme, calme ». Ils m’ont alors traîné jusqu’au groupe de mes amis immobiles et serrés les uns contre les autres et, d’un signe, m’ont donné l’ordre de me coucher à côté d’eux, ce que j’ai fait. L’un des policiers à continuer à me matraquer, un autre à me donner quelques coups de pieds en visant les testicules. Et puis ils sont partis.

On s’est alors relevé. Deux de mes amis m’aidaient à tenir debout. J’avais la tête en sang, du sang dégoulinait sur mes habits et sur ceux de mon amie contre laquelle j’étais couché pendant la charge. J’avais aussi le front enflé sur la partie gauche. Une autre fille de notre groupe, Leslie, saignait de la tête. On a marché quelques mètres vers une plus grande artère. Une ambulance italienne qui passait s’est fait arrêter par mes amis. Mon amie, qui pleurait et qui était manifestement choquée a voulu venir avec moi mais l’ambulancier, après l’avoir regardée, lui a dit qu’elle ne pouvait pas venir. J’y suis monté avec Leslie, celle-ci étant accompagnée de Gwendal, un autre manifestant de la « Pink March » qui n’avait pas été blessé. A l’hôpital, j’ai été rapidement pris en charge par plusieurs médecins. L’un m’a d’abord désinfecté les plaies puis recousu le crâne avec trois points de suture. Un autre m’a ensuite fait une radio de la tête avant de me dire qu’il n’y avait pas de problème. Un autre m’a enfin fait comprendre que je pourrais repartir après avoir rempli quelques formalités avec la police.

S’en suivent de longues heures, jusque 3 h du matin, dont voici le récit : lire le témoignage complet de Vincent Bonnecase