La promotion de deux fonctionnaires de police condamnés pour le G8 à Gênes fait scandale – La Republicca

Traduction de l’article de La Repubblica paru le 3 novembre 2020

Matteo Macor

Amnesty International : « Une insulte aux victimes de 2001 »
Police : « Avancement automatique, ils ont purgé leur peine »

            Loin de guérir, la profonde plaie de la mémoire du G8 à Gênes se rouvre une fois de plus. Près de vingt ans après ces jours génois de 2001, qu’Amnesty International a qualifié de « suspension la plus grave des droits démocratiques dans un pays occidental après la Seconde Guerre mondiale », un nouveau cas de promotion pour les protagonistes des violences des forces de l’ordre sur les manifestants prête à caution.

            En effet, depuis la semaine dernière, la ministre de l’Intérieur, Luciana Lamorgese, et le chef de la police, Franco Gabrielli, ont pris la décision de promouvoir deux fonctionnaires qui avaient été condamnés pour des faits liés au G8 : les nouveaux sous-officiers Pietro Troiani, coupable d’avoir introduit deux cocktails Molotov à l’intérieur de l’école Diaz, et Salvatore Gava, condamné pour avoir faussement attesté de leur découverte, ces fausse preuves ayant été utilisées pour justifier le raid sanglant sur le bâtiment, qui est devenu un symbole de la violence de l’époque, et pour fournir un récit aux médias.

            Par la force des choses, c’est de ces heures-là que remonte forcément l’indignation. La condamnation vient avant tout des associations et de la société civile, moins du monde politique.

            D’abord dénoncée par Amnesty Italia (« nous exprimons notre malaise face à la promotion de ceux qui, pour les événements de Gênes, ont été condamnés à 3 ans et 8 mois, plus 5 ans d’interdiction de la fonction publique »), la promotion de Troiani et Gava représente un « avancement automatique et répond à la procédure administrative qui y est liée ; les sanctions imposées ayant été purgées, les postes actuellement attribués relèvent des qualifications et des compétences des deux fonctionnaires », tient à préciser le département de la sécurité publique.

            Ce n’est cependant pas la première série de promotions qui échoient à ceux qui, en 2001, à Gênes, se sont rendus responsables de la sinistre « boucherie à la  mexicaine » – c’est ainsi que le chef adjoint de la police de l’époque, Michelangelo Fournier, a qualifié les faits qui se sont déroulés à Diaz –  et, même si la direction de la police a récemment reconnu les faits, c’est l’énième chapitre d’une histoire toujours en quête de justice.  

            «  Il est déconcertant que des policiers reconnus coupables de violations des droits humains restent en service et qu’ils soient même promus – insiste Gianni Rufini, directeur général d’Amnesty International Italie. A l’approche du vingtième anniversaire [des événements très graves survenus durant le] G8, en l’absence continue de remèdes législatifs à l’une des causes qui les a favorisés, à savoir l’absence de codes d’identification pour les forces de police, disposition qu’Amnesty réclame depuis des années, ces promotions sonnent comme une insulte aux centaines de personnes qui ont été arrêtées, détenues arbitrairement et torturées lors de cette page noire de l’histoire italienne. » Page noire dont même le politique, d’ailleurs, n’a pas vraiment su rendre compte.

            Ce n’est donc pas un hasard si, après la ferme prise de position de diverses associations (Arci Nazionale, Arci Liguria et Arci Genova « expriment leur inquiétude, leur étonnement et leur incrédulité face à une décision inexplicable et très grave, qui intervient à un moment de grandes tensions sociales et qui insulte les personnes arrêtées, battues et torturées dans l’une des pages les plus sombres de l’histoire récente de notre pays »), seuls quelques commentaires sont arrivés du monde politique. Le porte-parole national de la gauche italienne Nicola Fratoianni a annoncé qu’il soulèverait la question au Parlement : « Le ministère de l’Intérieur devra s’expliquer au Parlement de cette décision que je trouve franchement inexplicable et aberrante. » « Au cours de cette terrible nuit, 93 militants ont été arrêtés et 61 blessés ont été transportés à l’hôpital, dont trois dans un pronostic réservé et un dans le coma – rappelle le sénateur du mouvement 5 étoiles Gianluca Ferrara. J’espère que la ministre Lamorgese et le chef de la police Gabrielli vont revenir sur cette décision, qui porte avant tout atteinte à la réputation et à la crédibilité de la police italienne. Toute personne reconnue coupable de crimes aussi graves devrait être radiée, certainement pas promue. »

Article(s) lié(s)